A11y Paris est devenu l’événement incontournable pour faire bouger les lignes dans le domaine de l'accessibilité numérique. Souvent abrégée en "a11y" — où le nombre 11 représente les lettres omises entre le "a" et le "y" dans "accessibility" — cette journée a réuni de nombreux représentants d’institutions publiques, offrant l’occasion de se renseigner sur les avancées des travaux législatifs et répressifs.
Pour mieux comprendre en quoi consistait cette journée, voici des résumés et points clés des différentes conférences, à commencer par :
Le discours de bienvenue par Isabelle Saurat
Le discours de bienvenue fut donné par Isabelle Saurat, la déléguée interministérielle à l’accessibilité. Elle a présenté les éléments clés de la transformation numérique voulue par le gouvernement :
- Les futurs contrôles par l’ARCOM.
- La volonté de numérisation de 100 % des démarches administratives, qui en est actuellement à 90 %.
- Le souci de formation des développeurs comme des dirigeants de services publics.
L’effort à fournir côté service public est énorme et les référents accessibilité seront la clé de voûte de ces avancées.
Modes d’usages: “Interagir de façons différentes” par Denis CHÊNE
Lors de cette conférence, l'objectif était d'analyser les utilisateurs afin d'adapter au mieux leur accompagnement. Il distingue deux types d'accessibilité, celle technique et celle ergonomique. Il existe différents types d’interaction également (perceptifs/cognitifs), qui parfois se combinent, ce qui peut complexifier la réponse accessible. Le mieux est de répondre avec une interface multimodale sur laquelle on peut agir / que l’on peut personnaliser.
L’égalité n’est pas l’unité, les différences de chacun amènent le besoin de réponses différentes. Une IHM égalitaire, c’est proposer des réglages pour chacun. Proposer des modes d’usages pour chaque type de profil permet de simplifier cette personnalisation. Récupérer les utilisations de chaque utilisateur et proposer des usages cohérents. Il vise environ 12 à 13 modes d’usages différents, avec des couvertures spécifiques aux sourds et aveugles par exemple.
L’observatoire du respect des obligations d’accessibilité numériques par Kathy DURAND et Denis BOULAY
La fédération des aveugles et amblyopes de France, par sa nature, possède plusieurs missions dans son pôle accessibilité :
- Lobbying
- Expertise
- Formation
Après avoir remarqué la très régulière absence de la déclaration d’accessibilité et du plan d’action, l’observatoire fut créé pour recenser les bons et mauvais acteurs. On peut rechercher par entité, région et secteur. On retrouve également un tableau de bord avec des statistiques (rarement réjouissantes).
Pour l’instant et par faute de moyens, l’observatoire regarde ce que les sites mettent, ou non, en avant, mais ne peut pas vérifier la pertinence ou la qualité de ces contenus, ce qui peut créer un décalage. Par exemple, la RATP est plutôt un bon élève de l’accessibilité mais ne possède pas de déclaration d’accessibilité sur son site, alors que le site d’Accord, lui, est loin d’être conforme mais possède une déclaration.
Design system et accessibilité numérique par Stéphanie WALTER, Axel NINI, Maxime BEAUGRAND et présenté par Corinne Moreau
Cette table ronde, au sujet vaste, fut l’occasion de rappeler des bonnes pratiques à mettre en place lorsque nous sommes créateurs de contenu pour un design system afin que nos consommateurs puissent utiliser au mieux nos composants et qu’ils restent le plus accessibles possibles :
- Simplifier le plus possible les contenus éditoriaux, que l'on retrouve souvent sous forme de tableaux.
- Pour les formulaires, un composant nu doit être composé d’un champ mais aussi de son message d’erreur.
- Importance de l'évangélisation de la bonne utilisation, accessible, de son design system (DS).
- Mettre en place des processus d’utilisation, le DS est un référentiel mais ce sont les consommateurs qui le font vivre. Se confronter aux différents types d’utilisateurs enrichira naturellement l’accessibilité de votre DS.
- Ne pas ajouter plus de fonctionnalités que celles des navigateurs, si l’accessibilité du HTML est réfléchie ainsi, le plus souvent rien ne sert de le surcharger. Il y a un risque de conflit lors de l’implémentation.
- Laisser trop de possibilités aux consommateurs, c’est aussi ouvrir la porte à des utilisations non conformes au RGAA.
- Laisser la possibilité aux utilisateurs de contacter les équipes techniques.
- Écrire les règles formellement pour chaque composant : une bonne intégration vient d’une bonne documentation. La documentation reste la source principale de vérité, tout particulièrement quand le nombre d’utilisateurs ou de consommateurs est très élevé.
- Il faut également garder en tête que chaque device est différent.
- Penser aux différents parcours par le prisme des différents utilisateurs. À force de sensibilisation, on finit par développer une bonne écoute.
- Le conseil de fin, tout particulièrement pour les grandes entreprises : formez-vous ainsi que vos collaborateurs.
Charte d’engagement sur l’audit de conformité RGAA par Jérémie BOROY
Petite aparté avant la pause déjeuner pour présenter cette charte, ainsi que les différents signataires. Le CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) a créé une charte qui rappelle l’importance d’un audit fiable. Il durcit également certaines règles du RGAA en refusant la dérogation pour charge disproportionnée et en demandant à ce que toujours les tests soient faits par un humain.
Financement proposé par le FIPHFP pour l’accessibilité numérique par Marine NEUVILLE
Le FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) :
- Le fonds dispose de 20 millions sur 4 ans.
- Reverse en aide aux employeurs publics pour aménager des postes de travail pour les personnes en situation de handicap.
- Finance le Diplôme Universitaire Référent accessibilité numérique qui vient de voir sa première promotion finir le cursus.
- Accompagne dans le processus de recrutement via des partenariats, avec la DINUM (Direction Interministérielle au Numérique) par exemple.
- Commande des outils numériques pour les collectivités locales.
- Possède un programme de sensibilisation pour les hauts fonctionnaires.
- Possède également un labo de recherche utilisateur en collaboration avec la DINUM.
- C’est ce fonds qui a permis notamment de financer ARA.
Présentation du plan d’action de l’ARCOM pour contrôler l’application de la loi par Laurence PÉCAUT RIVOLIER
Laurence Pécaut-Rivolier préside le groupe de travail "Protection des publics et diversité de la société française" de l'Arcom. Elle est au cœur de la politique d’accessibilité de l’ARCOM. Elle a pu nous donner ainsi un aperçu des coulisses et du futur de l’a11y pour cette institution :
- La bataille est longue. Actuellement, seulement 3 % du service public est accessible.
- L’ARCOM, depuis septembre 2023, peut mettre en demeure et sanctionner financièrement.
- Elle sensibilise petit à petit et a même écrit aux différents acteurs qui seront concernés par sa future politique répressive. Elle commence d’ailleurs à recevoir des signalements.
- Elle fait aussi l’inventaire des aides (comme celles de la FIPHFP) et les transmet aux différents acteurs le nécessitant.
- Toutefois, l’ARCOM est en attente des bons outils et ne peut avancer qu’avec les moyens qui lui sont donnés. Pour cela, elle a un plan d’action en 2 axes :
- Avoir un outil facilitant l’identification des acteurs non conformes, dans les 6 prochains mois. La commission européenne attendant un retour d’ici décembre 2024.
- Intervenir par thématiques :
- Pour le public : demande de conformité et de déclaration.
- Pour le privé : demande de déclaration.
- Si non conforme : courrier de sensibilisation.
- Si pas de réponse : mise en demeure.
- La sanction : 50 000 € pour chaque non-conformité et 25 000 € pour non-déclaration.
Lien vers l’ARCOM et son plan d’action
Présentation de la démarche d’accessibilité numérique par la CAPB par Daniel OLCOMENDY
Après une présentation au ton un peu sombre quant à la conformité des institutions publiques, il était temps de redonner un peu de bonne humeur et de soleil aux conférenciers. Rien de mieux pour cela que de montrer le bon exemple de la Communauté d’Agglomération du Pays Basque.
Cette agglomération étant composée de 6 grosses villes et d’une constellation de petites communes, le défi était de pouvoir répondre à tous, de la même manière. Deux problématiques : être conforme et pas cher.
Une solution technique fut proposée, une solution accessible avec en plus pour base de l’éco-conception. Un socle technique commun fut créé et a pu servir de base aux communes pour créer leur site web. Avec l’aide d’un CMS et un thème 100 % conforme, ils ont, en plus de cela, pour sécuriser la bonne utilisation du CMS, ajouté :
- Une charte d’utilisation
- Une participation financière
- De la formation
Du RGAA à la norme européenne: les référentiels luxembourgeois par Alain Vagner et Dominique MAUROY
Nous avons eu enfin la chance d’avoir une présentation du référentiel Luxembourgeois qui, après avoir fait une réadaptation du RGAA pour correspondre à leur législation, a commencé un travail d’enrichissement de ce texte :
- RAAM pour le mobile
- RA Web pour les sites internet
- RA PDF pour les fichiers PDF
EN301549, la tant attendue future loi européenne, ayant des points de différences avec les WCAG et le RGAA, le but était de rendre plus limpide et d’enlever la marge d’interprétation du texte. Avec une trentaine de critères, non couverts par les référentiels américain et français, il fallait proposer une alternative. Le but a donc été de faire, comme ils l’ont appelé, un “fork amical”. Ces nouveaux référentiels sont disponibles sur GitHub et open source/creative commons.
Leurs futurs projets sont :
- Faire un site bilingue
- Mettre à jour le RAAM avec les nouvelles législations
- Faire un observatoire de l’accessibilité
Quel avenir pour le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité par Armony ALTINIER, Antoine CAO, Sébastien DELORM, Aurélien LEVY, Audrey MANIEZ et présenté par Frédéric HALNA
Définitivement le talk le plus attendu de la journée. Antoine CAO, directeur de programme Accessibilité numérique auprès de la Direction Interministérielle au Numérique (DINUM), était face à cinq experts de l’accessibilité.
La transition avec la conférence du Luxembourg était parfaite, puisqu’elle a permis de prouver par l’exemple le point de départ de la table ronde : le RGAA est incomplet. Le texte n’ayant pas évolué depuis plusieurs années, il ne répond désormais plus aux attentes créées par la future norme européenne.
La réponse officielle fut alors de dire que le RGAA est un texte connu, opérationnel et éprouvé. S’en est suivie une longue discussion sur l’historique derrière sa création, le tout ne répondant pas réellement aux interrogations des experts présents. Il est difficile de décrire le reste de la table ronde, qui consistait principalement pour les quarante minutes suivantes à "des bottages en touche" répétées au sujet de l’avancement des évolutions du RGAA.
Les principaux problèmes évoqués étant :
- Le besoin qu’un collège d'experts se réunisse rend la chose compliquée.
- La distinction complexe entre le réglementaire et le législatif, l’un ralentissant l’autre.
- Les récentes perturbations gouvernementales, principalement la dissolution de l’assemblée, qui ont stoppé tous les travaux en cours.
Les solutions proposées par les experts étaient pourtant nombreuses :
- Le collège d’experts est réunissable, cela a déjà été fait par le passé. Il y a, en plus de cela, une volonté de la communauté de le faire depuis plusieurs années.
- Itérer sur le texte existant permettra de le faire évoluer petit à petit.
- S’inspirer des différentes initiatives européennes existantes, notamment celle du Luxembourg.
Une ambiance bruyante d’incompréhensions et de flottements a commencé à se faire au sein de l'amphithéâtre de la maison de la radio. Armony Altinier a alors proposé une solution alternative, celle de la création d’une association qui travaillerait alors en parallèle et qui pourrait servir de base réglementaire afin d'être validée par le juridique.
Une remise de prix a ensuite eu lieu pour trois projets d’école, qui ont dû concevoir leur projet de fin d’année avec l’accessibilité en tête. C’est sur cette belle note de bonne volonté que s'est terminée la journée de conférences.