"Le hardware c’est essentiel, on ne peut pas faire sans ! "
Pour cette édition spéciale Saint-Valentin, nous avons rencontré François Tonic, un passionné qui aime autant le hard que le soft, et dont la seule addiction reconnue est pour le whisky. Sans nécessiter d'additif à sa "Tonic'touch", François se dévoile pour notre plus grand plaisir dans ce premier numéro du Journal du Hard. Attachez vos ceintures et préparez-vous à un soft landing vers les contrées du hard, avec un guide qui connaît la programmation sur le bout des doigts et le whisky du bout des lèvres.
François Tonic : un historien dans le monde du code
Sans formation formelle en informatique, François s'est retrouvé plongé dans un monde où l'histoire se mêle à la technologie. Mais comment un historien, après un DEA, se retrouve-t-il plongé dans le monde informatique ? Employé initialement dans une ESN pour gérer les PC du réseau, François est rapidement captivé par l'envers du décor technologique.
« Mon rapport à l'informatique n'a rien d'académique. J'ai découvert le Basic et tapé mes premiers mots sur un écran LCD en 1983, quand mon frère m'a passé sa calculatrice programmable Casio. Après mon DEA en histoire, j'ai travaillé pour une ESN. Je devais tester des logiciels toute la journée, relever les bugs. C'était fascinant de voir l'intérieur de ces machines. »
François est également passionné d'Égypte ancienne, un intérêt qui colore sa manière de voir le monde. selon lui, « l'Égypte, c'est comme l'informatique : un monde de découvertes constantes. »
Le passage à la rédaction : un virage inattendu
Lorsque l'on aime l'histoire, on est forcément confronté à l'origine des mots.
« En tant qu'historien, j'ai toujours aimé le rapport à l'écriture. Je griffonais dans mon coin plusieurs articles que j'ai envoyés à un magazine Mac, et en 1997, ils m'ont appelé pour écrire pour eux. C'était une opportunité de concilier mes deux passions : l'histoire et la technologie. »
En septembre 1998, François publiait son premier article pour Programmez! avant de devenir rédacteur en chef l'année suivante. Depuis, il a interviewé des figures emblématiques comme James Gosling, le créateur de Java, et se souvient encore avec émotion des deux scènes parisiennes qu'a foulé Steve Jobs devant ses yeux.
En tant que rédacteur en chef, il faut toujours être en veille constante, toujours avoir un coup d'avance et s'entourer des meilleurs, et dans son cas, des meilleurs développeurs, ceux qui contribuent au succès du journal. Dans une rédaction lambda, nombreux journalistes et SR guident le quotidien. Exit la facilité, François opère seul depuis son QG Pantinois.
" Je définis la ligne éditoriale de Programmez! autour de trois axes : la prospective, l'emploi et la formation, et les fondamentaux de la programmation. Le défi est de rester pertinent pour les différentes générations de développeurs. Pour cela, il faut toujours être en veille, toujours apprendre. Mon côté historien m'aide certainement dans cette tâche quotidienne. L'apprentissage comme graal absolu. Mais les événements sont essentiels. Participer à Devoxx est pour nous un moment clé de l'année pour recruter des auteurs, où nous sortons également toutes nos collections vintages (plus de 130 machines sont stockées chez Programmez !) C'est un événement où la nostalgie rencontre l'innovation, et c'est l'un des stands les plus appréciés !
Le défi de la veille technologique
Avec une carrière aussi variée, comment reste-t-il à la pointe ? François me confie que diriger une publication technique demande une immersion totale quotidienne dans le secteur, une curiosité insatiable et une capacité à anticiper les besoins des lecteurs avant même qu'ils se questionnent sur ces problématiques.
« Ma veille est quotidienne : agrégateurs de flux, discussions avec les développeurs, et beaucoup de lecture. C'est un travail constant de confrontation des nouvelles tendances avec la réalité du terrain. Mais mon plus grand défi est de garder l'intérêt des lecteurs de toutes générations confondues, au fil des années, et de toujours suivre l'évolution rapide des technologies. » .
Et lorsqu'on lui demande s'il est plutôt orienté hard ou soft, il répond avec un sourire : « Les deux, mon capitaine ! Comprendre l'outil est essentiel pour maîtriser le code. »
L'avenir de la tech selon François Tonic
Le rédacteur en chef de Programmez! aborde avec une pointe de sarcasme les récentes annonces du Sommet de l'IA concernant les ambitions françaises dans le domaine de l'intelligence artificielle, reconnaissant les défis et les opportunités. Il considère la récente annonce de 109 milliards d'euros d'investissement comme de la poudre aux yeux :
« C'est principalement de l'argent privé, et ce n'est pas ainsi que l'on forge des leaders technologiques. Les Américains et les Chinois sont capables de combattre à un niveau mondial parce qu'ils ont créé des écosystèmes complets, comme celui de la Silicon Valley, où se rencontrent finance, innovation, et recherche académique. »
« Nous avons les cerveaux, mais ils partent souvent chercher des opportunités à l'étranger. Cela fait plus de cinquante ans que ça dure. Si nous voulons rivaliser avec les Américains, il ne suffit pas de déclarer nos intentions ; il nous faut développer un écosystème robuste, à la mesure européenne et mondiale. Cela requiert du temps, de l'argent, mais surtout des cerveaux dédiés à ces ambitions. »
Sa vision est claire : innover, intégrer, et inspirer.
Selon François, les technopoles françaises existantes ne parviennent pas à fusionner ces forces essentielles.
« Bien que nous ayons des pôles technologiques intéressants, ils manquent de cette synergie entre universités, entreprises, et soutiens financiers, ce qui crée une dynamique d'innovation moins efficace. »
Il évoque également le problème de l'infrastructure, particulièrement en ce qui concerne les data centers :
« Regardons les chiffres. Google investit 70 milliards pour son infrastructure juste pour l'année 2025. Nous utilisons l'empreinte carbone comme excuse pour bloquer des projets essentiels alors que si nous aspirons à être des leaders mondiaux, il nous faut des infrastructures à la hauteur. »
Netflix dépense entre 5 et 7 milliards de dollars juste pour les droits de diffusion et c’est autant au niveau infra et production. Pour vous faire un comparatif simple, le projet Salto en France, c'est moins de 70 millions d'euros investis ! C'est 60% moins cher que le budget de la deuxième saison d’Andor sur Netflix qui titille les 300 millions de dollars (ce qui en fait la production la plus chère de la saga Star Wars) Cela montrant une différence d'échelle frappante dans la réussite d'un projet!
François pointe également du doigt la lenteur du mouvement en France, exacerbée par des régulations comme l'IA Act qui, selon lui, ont ralenti les progrès :
« L'Europe est trop lourde, trop lente. Le temps technologique n'attend pas le temps politique. Nous avons besoin de plus de flexibilité et d'une vision technologique claire et durable au sein de l'État. Actuellement, les décisions changent avec chaque gouvernement, ce qui empêche toute continuité stratégique. »
« Les DSI devraient avoir une place au Comex, tout comme à l'Élysée. Nous avons perdu cette perspective sous Valéry Giscard d'Estaing. Il est temps de réintégrer la technologie au cœur des décisions stratégiques pour ne pas seulement suivre mais mener le jeu sur la scène mondiale. »
Ses conseils ?
Pour ceux qui débutent dans l'IT : soyez curieux, ne vous contentez pas de suivre les tendances. Comprendre les bases, ouvrir le capot, démonter, explorer ! Rappelez vous comment Apple, Microsoft ou HP est né ! C'est en comprenant le passé et le présent que vous pourrez inventer l'avenir. »
Sa reco vidéo ? Elle date de 1968 mais reste la base absolue, l'acte de naissance de la micro informatique moderne : The Mother of all demos ! Un incontournable.
The Mother of all demos !
"Et n'oubliez jamais: le hard c’est essentiel, on ne peut pas faire sans ! "