Aller au contenu

Nicolas Latour, le numérique en quête de sens

De Google à la fresque du numérique, Nicolas Latour a suivi l’évolution de la tech. Mais à l’enthousiasme des débuts a succédé une vision plus critique : comment allier innovation et responsabilité environnementale ? Un regard engagé sur un numérique en quête de sens.

Nicolas Latour, #HeathTech Enthusiast @pharmaradio | Affiliate Professor @ICNbs | Keynote Speaker 
« J’ai grandi avec le web, mais je ne veux pas qu’il nous dépasse »

Quand Nicolas Latour parle du numérique, il le fait avec passion, mais aussi avec lucidité. « J’ai connu Internet quand il fallait encore composer un numéro pour se connecter. C’était magique. Aujourd’hui, cette magie a un prix. » Son parcours commence à Montréal, où il part en échange universitaire en 1995. « J’y suis resté cinq ans, un peu comme Obélix dans la marmite. » Après une année d'HEC, Nicolas intègre Netgraphe, alors premier éditeur de sites francophones, et fait une rencontre qui va marquer sa carrière : Larry Page et Sergey Brin, fondateurs de Google. « En 1998, Google, c’était deux mecs et un algorithme. On a travaillé ensemble pour intégrer leur moteur à notre annuaire. Pour la première fois, Google pouvait traiter des requêtes en français. »

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais Nicolas Latour n’est pas homme à suivre un chemin linéaire. Il multiplie les expériences : signature électronique, horlogerie suisse chez Swatch, mode à Los Angeles… « Je n’ai pas toujours travaillé pour la tech, mais la tech m’a toujours suivi. »

Une prise de conscience : l’ombre écologique du numérique

En 2014, il fonde son cabinet de conseil en innovation, Fingal, avec une envie de plus en plus affirmée : comprendre l’impact réel du numérique sur la planète. La prise de conscience s’accélère pendant le Covid. « Ma femme suivait une certification RSE, j’ai plongé avec elle. Et là, j’ai réalisé l’empreinte délirante de la tech. Pour souligner la complexité de l'impact environnemental, il explique que l'extraction des matériaux nécessaires à la fabrication de composants électroniques, comme le gallium, requiert la manipulation d'environ cinquante tonnes de roches pour obtenir seulement un kilo de ce matériau, soulevant des problèmes significatifs tels que la contamination de l'eau. »

Il se forme alors auprès de la Climate School AXA, devient animateur de la fresque du numérique et du climat, et fait du numérique responsable son cheval de bataille. « J’ai passé des années à prôner la digitalisation sans me poser de questions. Aujourd’hui, je regarde les data centers et l’IA avec un œil plus critique. »

La fresque du numérique

« L’IA est une révolution, mais aussi une bombe énergétique »

L’intelligence artificielle fait rêver, mais Nicolas Latour en rappelle le coût caché. « Une simple requête ChatGPT consomme autant d’énergie qu’un moteur thermique allumé pendant 5 minutes. Imagine ça multiplié par 300 millions d’utilisateurs quotidiens. » Et pour l’eau ? « Un demi-litre pour 20 à 50 requêtes. Ça ne semble pas énorme, mais quand Microsoft annonce +30% de consommation en CO2, ça devient vertigineux. »

Face à cela, il milite pour une IA frugale, moins gourmande en ressources. « La France a une carte à jouer. Elle peut devenir un leader de l’IA responsable, à condition de sortir de la course à l’armement numérique. »

Un plaidoyer pour un numérique responsable

Pour Nicolas Latour, la technologie ne doit pas être un bulldozer, mais un outil conscient. « On nous vend une révolution permanente, mais la vraie révolution, ce serait de construire un numérique durable, en accord avec les limites planétaires. » Il évoque avec enthousiasme les projets français autour du quantique, qui pourraient réduire drastiquement la consommation énergétique des serveurs. « L’informatique quantique, c’est une puissance de calcul immense, avec une empreinte carbone bien moindre. Pourquoi ne pas investir massivement là-dedans plutôt que de courir derrière les Américains et les Chinois ? »

Son regret ? Le manque de vision stratégique en Europe.

« On a de brillants ingénieurs, des ressources, mais pas de cap clair. On veut rivaliser avec la Silicon Valley au lieu de proposer une alternative. »

Et demain ?

Nicolas Latour continue de porter son message au sein de la fresque du numérique et de son cabinet de conseil. « Informer, c’est la première étape du changement. On ne peut pas modifier ce qu’on ne comprend pas. »

Son conseil aux générations futures ? « Ne subissez pas la tech, questionnez-la. Parce que c’est vous qui aurez à vivre avec ses conséquences. »

Un message essentiel, à l’heure où le numérique façonne plus que jamais notre avenir.

Pour classer les LLM en fonction de leur consommation d'énergie =>https://huggingface.co/spaces/AIEnergyScore/Leaderboard (un tableau de bord, libre d'accès, hébergé sur Hugging Face )

Pour calculer son empreinte carbone en quelques minutes :  https://nosgestesclimat.fr/

Le fondateur et CEO d’AnotherBrain rappelle qu’il existe “plein d’autres types d’IA qui n’ont pas besoin de consommer des milliards de données.”

Dernier