En tant que développeuse chez SFEIR, j'ai récemment participé à un programme interne d'empowerment pour les femmes, destiné à renforcer notre confiance. Cette initiative vise à nous aider à surmonter notre timidité et à nous exprimer avec assurance dans un environnement principalement masculin. Cette expérience m'a amené à me poser une multitude de questions concernant les femmes dans l’informatique.
Stéréotypes et réalités
Pourquoi y a-t-il si peu de femmes dans ce domaine ? Est-ce dû à l'inconfort de se retrouver seule dans un tel environnement, ou y a-t-il d'autres facteurs, peut-être liés à des différences cérébrales ? Si oui, ces différences influencent-elles vraiment nos capacités à développer des algorithmes logiques ? Les hommes ont-ils vraiment des capacités cérébrales plus intéressantes que les femmes ?
Les recherches suggèrent qu'il n'existe pas de différences intrinsèques significatives dans le cerveau qui influenceraient directement les capacités des femmes à exceller en programmation par rapport aux hommes. Les variations observées entre individus tiennent plutôt à des facteurs sociaux, éducatifs et psychologiques, plutôt qu'à des distinctions biologiques strictes. La science nous dit que les femmes présentent souvent une meilleure connectivité interhémisphérique, facilitant potentiellement la pensée intuitive et l'analyse. Tandis que les hommes ont une meilleure connectivité intrahémisphérique, ce qui pourrait renforcer les compétences motrices et la perception. Cependant, ces différences ne se traduisent pas nécessairement par une supériorité dans des domaines spécifiques comme la programmation ou les mathématiques. De plus, la connectivité cérébrale peut être influencée par de nombreux facteurs, tels que les conditions environnementales, qui évoluent non seulement avec le temps mais aussi en fonction de nos activités quotidiennes. Ainsi, l'idée que les hommes seraient plus intelligents que les femmes est non seulement obsolète, mais également contredite par les données scientifiques (Brains).
Si le problème ne réside pas dans la structure cérébrale, pourrait-il alors être lié à des influences historiques et culturelles ?
Histoire des femmes en informatique
Dés les débuts de la programmation informatique, les femmes ont joué un rôle très important.
En 1843, Ada Lovelace a écrit le tout premier programme informatique. Elle est considérée comme la première programmeuse de l'histoire, illustrant l'importance des contributions des femmes dans ce domaine. Son travail avec Charles Babbage sur la machine analytique a posé les fondations de la programmation moderne.
Et si on avance un peu dans le temps, pendant la seconde guerre mondiale, les femmes ont souvent occupé des postes clés en informatique, puisque beaucoup d'hommes étaient mobilisés sur les fronts. Elles étaient appelés les « ordinateurs humains ».
En 1945 à l'ENIAC (Electronic Numerical Integrator and Computer), Jean Bartik, Kathleen Antonelli, Betty Holberton, Ruth Teitelbaum, Marlyn Meltzer et Frances Spence sont les six femmes qui ont construit le premier ordinateur électronique programmable, jouant un rôle crucial dans le développement technologique et le fonctionnement des économies nationales (The women Behind ENIC).
De nombreuses autres figures telles que Grace Hopper, qui a développé le premier compilateur et a inventé le langage de programmation COBOL. Également Elsie Schutt, fondatrice d'une des premières entreprises de programmation dirigées par des femmes. Mais aussi Margaret Hamilton, qui a fait marcher l'Homme sur la Lune ! Ou encore Alice Recoque qui a participé à l’élaboration de l’ordinateur de bureau CAB 500 (calculatrice automatique binaire), du mini-ordinateur de gestion industrielle MITRA 15 et elle elle contribue au développement d’un langage de programmation appelé Prolog, utilisé aujourd’hui en intelligence artificielle, notamment dans le traitement du langage naturel.
La programmation, souvent effectuée à cette époque sur papier avant d'être exécutée sur des machines, offrait une flexibilité permettant aux femmes de combiner travail et responsabilités familiales.
Dur retour à la réalité
Cependant, après la guerre, avec le retour des hommes à la vie civile, la perception des rôles « appropriés » pour les femmes a évolué. Le secteur de l’informatique, qui s’est fortement développé pendant et après la Guerre Froide, a commencé à être considéré comme un domaine masculin. Les femmes ont été encouragées à se consacrer de nouveau à la vie domestique, en tant que mères et épouses. Elles ont même été sollicitées pour former des hommes qui les remplaceraient.
Le retour des femmes aux rôles domestiques a marqué profondément les parcours professionnels des générations suivantes. Parallèlement, l'émergence de stéréotypes sur les « capacités naturelles » des hommes dans les sciences et la technologie a également influencé les orientations éducatives futures. En outre, l'essor des jeux vidéo dans les années 1980, ciblant principalement les garçons, a également influencé les intérêts des jeunes hommes vers l'informatique, renforçant la perception d'un domaine dominé par les hommes.
Conclusion
Ce contexte historique et culturel a donc joué un rôle déterminant dans la diminution de la présence féminine dans le domaine technologique au fil des décennies (Post World War II: 1946-1970 | Striking Women , The Role of World War II in the Rise of Women's Employment).
L'état actuel de l’implication des femmes en informatique montre une évolution positive. Les programmes visant à augmenter la participation des femmes en informatique, tels que les camps de programmation pour jeunes filles et les efforts pour rendre les programmes académiques plus inclusifs et engageants pour les femmes, ont eu un impact positif. De plus, la prise de conscience croissante de l'importance de la diversité dans ce domaine a encouragé les entreprises et les universités à mettre en place des politiques plus inclusives (Computer Science).
