Son nom a longtemps échappé aux projecteurs, mais sans la brillance de Margaret Hamilton, les pas de l'homme n'auraient jamais marqué la surface lunaire. À la tête de l'équipe du logiciel du projet Apollo au MIT Instrumentation Laboratory, Margaret est pourtant une figure marquante du monde informatique.
Avec détermination, elle plaide pour l'inclusion d'un algorithme spécifique au cœur de l'ordinateur de bord du module Apollo 11, assurant ainsi le succès historique de son alunissage. En tant qu'entrepreneuse visionnaire, elle a repoussé les frontières de la programmation.
Pour célébrer ses 87 ans, nous voulions rendre hommage à cette figure de l'ombre qui a sculpté l'avenir du génie logiciel.
Un petit pas pour ... les mathématiques
Un matin d'août 1936, dans la discrète bourgade de Paoli, en Indiana, Margaret Heafield ouvrait les yeux sur le monde. Fille d'un poète éclairé et d'une enseignante passionnée, son destin semblait s'écrire loin des étoiles. Et pourtant...
La soif d'apprendre de Margaret la mena au Michigan, où elle décrocha avec brio sa licence en mathématiques à l'âge de 22 ans. Le monde de l'enseignement s'ouvrait à elle, d'autant plus après avoir uni son destin à celui de James Hamilton, jeune avocat prometteur, avec qui elle mit au monde son unique fille, Lauren.
Pour soutenir son mari engagé dans les arcanes juridiques d'Harvard, elle opte pour un nouveau chapitre à Boston. Là-bas, les portes de l'Université de Brandeis s'ouvrirent à elle, l'invitant à explorer davantage les profondeurs mathématiques. Et derrière chaque équation, deux ambitions brillent en elle : hisser son mari au panthéon de Harvard Law et gravir, dans un élan similaire, les échelons du monde mathématique.Mais le destin a un tout autre dessin pour la brillante Margaret.
L'année 1960 sonne comme une consécration. Elle rejoint les rangs du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) où elle développe des logiciels de prédictions météorologiques. Mais l'appel du changement retentit à nouveau et dès l'année 1961, elle s'immisce dans l'univers du projet militaire SAGE, se consacrant à l'élaboration de l'un des pionniers des systèmes informatiques de défense antimissile.
Un grand pas pour .... la NASA !
Au coeur des couloirs feutrés du MIT, un rite initiatique attend Margaret. La tradition voulant que tout nouveau venu soit confronté à un défi énigmatique : un programme, si retors, que personne jusqu’alors n’avait réussi à en déchiffrer l’énigme, encore moins à le faire fonctionner ! Pour corser l'affaire, son prédécesseur avait laissé des commentaires uniquement en grec et latin. Quelle n’a pas été la surprise de tous, lorsque Margaret, avec un brin d'audace, réussit non seulement à apprivoiser cette bête de code, mais également à lui faire déclamer ses réponses dans ces langues antiques ! Elle devint ainsi la première à triompher de ce défi.
Ce baptême du feu, bien loin de n'être qu'une simple épreuve de passage, allait mettre en lumière le génie de l'ingénieure. Il n’en fallait pas plus pour la désigner comme la candidate par excellence pour l’élaboration des logiciels du prestigieux programme spatial Apollo. Et c'est ainsi qu'en 1963, elle rejoint les rangs du renommé laboratoire Draper du MIT. Malgré les défis tels que combattre les préjugés sexistes tout en étant mère célibataire, elle est nommée responsable de l’équipe chargée du développement du logiciel embarqué pour la mission Apollo 11. Elle devient alors la première femme, ainsi que la première programmatrice à rejoindre le projet Apollo lancé par John F. Kennedy.
Avec l'appui de son équipe, Margaret est mandatée pour développer les premiers logiciels destinés aux ordinateurs embarqués des fusées. Ces programmes cruciaux sont responsables des calculs précis nécessaires, aussi bien pour le lancement que pour l'alunissage.
Une femme et une mère d'exception au cœur des rêves spatiaux.
Le mécanisme sophistiqué de la navette Apollo exigea des années de mise au point, et Hamilton en fut l'architecte majeure. Elle confia plus tard sacrifier ses nuits, animée par la crainte de la moindre erreur. Car en effet, le poids de la réussite d'une telle mission reposait lourdement sur ses épaules, notamment dans le contexte de cette frénétique course lunaire opposant les États-Unis à l'URSS.
Passionnée par son travail, Margaret Hamilton poursuit inlassablement ses recherches, souvent jusqu'à des heures tardives. Élevant désormais seule sa fille Lauren, alors âgée de 4 ans, elle est contrainte de la garder au sein des locaux solennels de la NASA. Un choix qui suscite souvent le murmure désapprobateur de son entourage. Pourtant, face à cette critique, Margaret reste inébranlable, armée d'une résilience forgée par une époque où les préjugés étaient monnaie courante.
Et quelle excellente ligne de conduite puisque la curiosité enfantine de Lauren lui apporta un éclairage des plus précieux sur une défaillance possible du système ! En effet, lors d'une séance de jeu, Lauren déclencha involontairement un programme préliminaire sur le simulateur du module de commande du MIT, causant un plantage du système. Cette mésaventure poussa Margaret à envisager les conséquences potentielles d'une activation malencontreuse par un astronaute en plein vol. Mais en partageant ses craintes avec la hiérarchie, elle fut confrontée à une réponse présomptueuse : les ingénieurs de la NASA sont évidemment infaillibles !
Cependant, l'épopée d'Apollo 8 valida les appréhensions de la scientifique. Contre toute attente, les astronautes enclenchèrent le mauvais programme, mettant en péril la mission. C'est alors que Margaret Hamilton, avec la perspicacité qui la caractérise, intervint. Elle élabora un algorithme sophistiqué capable de prioriser de manière autonome les tâches à exécuter.
Comment Margaret Hamilton a Sauvé l'Alunissage d'Apollo 11 ?
Seulement quelques minutes avant que le module Aigle d’Apollo 11 ne se posât sur la mer de la Tranquillité, l'ordinateur d'Apollo 11 commence à afficher des messages d’erreur particulièrement inquiétants. Les alarmes retentissent, indiquant une surcharge de l'ordinateur de navigation. Un radar superflu gaspillait de l'énergie, mais grâce à l'ingéniosité du programme d'Hamilton, la machine sut délaisser cette tâche secondaire pour se focaliser sur la primordiale mission d’alunissage.
Le 21 juillet à 3h56 (heure française), Neil Armstrong pose le premier pas de l’homme sur la Lune, en bouleversant l’humanité toute entière. "Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité", sous l'œil vigilant de Margaret depuis la Terre.
"Si l'ordinateur n'avait pas reconnu le problème et entrepris ces actions de récupérations, je doute qu'Apollo 11 aurait réussi son atterrissage sur la Lune comme il l'a fait", confie plus tard l'ingénieure dans une interview au média Makers.
Margaret Hamilton, la femme cachée de l'épopée lunaire
Si l'histoire nous rappelle souvent le rôle des astronautes dans la conquête spatiale, elle néglige parfois les protagonistes opérant dans l'ombre, dont l'impact a été tout aussi crucial. Margaret Hamilton est l'une de ces figures méconnues. Après son illustre passage au MIT, elle co-fonde Higher Order Software, une entreprise de développement logiciel avant-gardiste. En 1986, elle lance Hamilton Technologies, innovant encore une fois en créant son propre langage de programmation.
Il faudra attendre 2003, soit 27 ans après son départ de la NASA, pour que Margaret reçoive l'Exceptionnal Space Act Award. Une reconnaissance tardive pour l'ensemble de ses travaux pharaoniques sur le programme Apollo. Le Dr Paul Corto, à l'origine de sa nomination pour cette récompense s'étonne :
"Comment est-ce possible qu'une pionnière de cette envergure n'ait pas encore été saluée pour ses innovations ?". Elle a non seulement contribué de manière significative à l'informatique moderne, mais elle est aussi créditée pour avoir popularisé le terme "software engineering"
Mais l'apogée de sa reconnaissance survient en 2017, lorsque l'ancien président Barack Obama lui remet la Médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction civile aux États-Unis. Enfin, elle commence à sortir de l'anonymat. Heureusement, Margaret Hamilton n'était pas la seule femme talentueuse parmi les 400 qui œuvraient sur le logiciel Apollo. Ce fait est brillamment mis en lumière dans le roman "Les Figures de l’ombre" de Margot Lee Shetterly, porté à l'écran en 2016. Des femmes, des visionnaires, dont l'histoire gagnerait à se souvenir. Pour l'heure, levons le voile sur ces talents, telle une lueur étincelante dans la vastitude de l'espace !
En ce mois d'anniversaire, toute l'équipe de SFEIR souhaite saluer la brillance et la détermination de cette ingénieure hors pair. Que son héritage continue d'éclairer les chemins de l'innovation et inspire sans cesse les esprits curieux des décennies à venir !