Aux origines de Pi
Dans l'antique cité de Syracuse, sous le ciel azur de la Sicile, vécut un homme dont l'esprit brillait par son ingéniosité et sa curiosité sans borne. Ce savant, célèbre notamment pour sa poussée, demeure aujourd'hui encore l'une des figures les plus emblématiques de la science antique. Au cœur de son œuvre prolifique, une quête a particulièrement marqué les esprits : celle du nombre Pi (π). Cette constante mathématique, symbole de la perfection géométrique du cercle, a été l'objet de fascination non seulement pour Archimède mais également pour d'innombrables savants, à travers les âges.
Comme en témoignent les approximations trouvées chez les Babyloniens et les Égyptiens, la traque de Pi remonte à des civilisations bien plus lointaines que l'Antiquité, autour de 1800 avant notre ère. Mais c'est bien vers 250 avant J. -C, sous l'égide d'Archimède, le père de la mécanique statique, que cette quête connaît un tournant décisif.
Archimède et la conquête de Pi
Avec la précision d'un orfèvre et la patience d'un sage, Archimède réussit à s'approcher du mystérieux ratio qui lie le diamètre d'un cercle à sa circonférence. Il a pour cela utilisé deux polygones à 96 côtés, l'un dessiné à l'intérieur d'un cercle et l'autre à l'extérieur. La valeur de pi se situait selon lui entre les longueurs du périmètre de chaque polygone. Archimède parvint alors à une estimation remarquable, située entre 3 1/7 et 3 10/71. Cette prouesse, véritable tour de force pour son époque, jeta les bases de ce qui deviendra plus tard le calcul infinitésimal.
La passion d'Archimède pour la science était si grande qu'il aurait ignoré sa propre sécurité lors de la conquête de Syracuse par les Romains absorbé par ses calculs et dessins dans le sable.
Pi et sa notation symbolique
L'histoire du nombre Pi est aussi celle de sa notation, π, introduite bien des siècles après Archimède. En hommage discret à l'œuvre du savant antique, la lettre π a été choisie en 1647 par l'Anglais William Oughtred (1574-1660), d'après le nom grec περίμετρος, qui signifie périmètre. La notation π correspond à la 16e lettre de l'alphabet grec.
Au cours des années, la précision du calcul de la valeur de Pi s'est améliorée, atteignant un nouveau palier avec l'arrivée des ordinateurs. En 1949, utilisant une calculatrice de bureau, deux mathématiciens américains ont pu identifier 1 120 décimales de Pi. Aujourd'hui, selon Ron Hipschman du musée Exploratorium de San Francisco, le nombre de décimales connues de Pi s'élève à 13,3 billions.
Pi dans les arts
Sans doute en raison de la simplicité de sa définition, le nombre Pi et particulièrement son écriture décimale sont ancrés dans la culture populaire à un degré plus élevé que tout autre objet mathématique. Carl Sagan, dans son œuvre "Contact", imagine π comme la clé d'un message cosmique, une idée qui titille l'imagination sur le lien entre l'univers et les mathématiques. Le cinéma n'est pas en reste avec le film "Pi" de Darren Aronofsky, un thriller qui explore l'obsession d'un mathématicien pour déchiffrer les secrets cachés dans les décimales de π, suggérant une quête métaphysique au cœur des nombres.
Sur un tout autre registre, la musicienne Kate Bush célèbre π en musique, démontrant l'influence intemporelle de ce nombre mystérieux.
Un autre exemple populaire est la série télévisée "The Big Bang Theory", qui fait souvent référence à des blagues et à des allusions liées à Pi. Dans un des épisodes, le personnage de Sheldon mémorise d'ailleurs 100 chiffres de Pi afin de stupéfier ses comparses.
Le challenge Pi
Ce défi trouve également écho dans la réalité ! Le détenteur du record mondial pour la mémorisation des décimales de Pi est le Japonais Akira Haraguchi qui, en 2006, aurait récité 111 700 décimales. Toutefois, ce record n'a pas été officiellement reconnu par le Guinness des records, qui attribue le titre de champion du monde à l'Indien Suresh Kumar Sharma pour ses 70 030 décimales récitées en 2015. En France, c'est Sylvain Estadieu qui, à l'âge de 38 ans, détient le record national avec 4 681 décimales récitées en 2018.
Bien que simplifié à 3,14 au collège pour en faciliter l'apprentissage, les établissements d'enseignement supérieur en sciences demandent frequemment à leurs élèves de connaître avec précision les 31 premiers chiffres de Pi. Ce n'est pas 4 681 décimales mais tout de même ! Une méthode répandue parmi les étudiants consiste à utiliser un quatrain spécifique, connu pour aider à mémoriser cette séquence. Ce poème, composé par Alphonse Rebière dans son livre "Mathématiques et mathématiciens" publié en 1898, illustre cette technique :
Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages !
Glorieux Archimède, artiste ingénieux,
Toi de qui Syracuse aime encore la gloire,
Soit ton nom conservé par de savants grimoires !
Jadis, mystérieux, un problème bloquait
Tout l’admirable procédé, l’œuvre grandiose
Que Pythagore découvrit aux anciens Grecs.
O, quadrature ! Vieux tourment du philosophe !
Insoluble rondeur, trop longtemps vous avez
Défié Pythagore et ses imitateurs.
À la lecture de ce quatrain, on s’aperçoit que le nombre de lettres composant chaque mot correspond aux chiffres successifs de Pi. Ainsi, "Que" donne le 3, "J’", donne le 1 et "Aime" le 4.
Pi, l'essence du hasard
Le nombre Pi, cette constante mathématique, continue de fasciner et d'inspirer. Il est la preuve que, malgré notre compréhension avancée du monde, certains mystères restent insaisissables, défiant l'esprit humain de les déchiffrer.
D'ailleurs, concevez-vous Pi comme l'empreinte exclusive des cercles ? Détrompez-vous. Au cœur des probabilités, PI orchestre le ballet du hasard. L'exemple de l'aiguille de Buffon illustre ce propos : en éparpillant des aiguilles sur un parquet ligné, la probabilité d'un croisement avec une latte se chiffre à 2/π. Plus étonnant encore, la chance pour que deux nombres entiers aléatoires soient premiers entre eux s'établit à 6/π².
Au-delà, PI règne sur la loi normale de Gauss, pierre angulaire des modèles probabilistes, et s'infiltre jusqu'aux fondements de la physique quantique via le principe d'indétermination d'Heisenberg.
Dans le vivant, PI guide depuis la morphogenèse cellulaire jusqu'à l'agencement des rayures zébrées, dictant l'ordre dans la diversité biologique. Il pulse au rythme des battements cardiaques et modèle les trajectoires des cours d'eau, leur sinuosité flirtant avec sa valeur.
Conclusion
Loin de se cantonner à l'abstraction mathématique, Pi imprègne l'univers tout entier, tissant un lien indissoluble entre le hasard, le vivant et les lois fondamentales de la physique. Sa présence, omniprésente et discrète, nous invite à une contemplation humble et admirative de la complexité du monde. PI, constant dans sa mystérieuse ubiquité, mérite toute notre attention et notre émerveillement.
Je vous souhaite ainsi, au nom de toute la rédaction, un HapPiDay!