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Comment préparer son CFP ? Rencontre avec des membres du comité de sélection du Devoxx France.

À l’occasion de l’ouverture du CFP de Devoxx Paris, nous avons rencontré trois membres de comités de sélection, pour Devoxx et Devfest notamment. Cela nous a permis d’échanger sur les bonnes pratiques à adopter pour maximiser vos chances d’être sélectionné comme speaker cette année.

Un hall de conférence

I. Siegfried Ehret : membre du comité de sélection de Devoxx France


Ancien Sfeirian, Siegfried Ehret a donné sa toute première conférence lors de Devoxx France 2015 avant d'intégrer, depuis maintenant plusieurs années, le comité de sélection de Devoxx France.

Qu'est-ce qui fait pour toi un bon CFP ?
La réponse à cette question évolue en fonction des années. Les critères changent également en fonction de l'expérience acquise lors des éditions précédentes. Mais on peut dire que la base, c'est un bon titre, qu'il soit parlant pour le public. Pour ma part, j'accorde une grande importance à la pertinence du sujet : qu'il reste en cohérence avec le milieu, les centres d'intérêt qui y gravitent et ce que le public peut potentiellement en retirer. Si l'on sent que le sujet a de la profondeur et une certaine forme de "richesse", cela peut être un plus.

Une fois qu'on entre dans le cœur du sujet, on doit vérifier que le contenu visé est cohérent avec le timing proposé. Si le sujet est trop vaste, c'est déjà prendre un risque. De même, si le niveau de difficulté est mal calibré, cela risque de provoquer de la frustration côté public. Par ailleurs, Devoxx France étant à 80 % francophone, les personnes qui parlent français doivent faire leur proposition (titre + description) en français.

Un bon sujet, c'est aussi un sujet qui entre dans les catégories proposées par la conférence. Heureusement, dans le cas de Devoxx France, elles sont très diversifiées et permettent une certaine liberté de proposition. Mais ce n'est pas toujours le cas : par exemple, Devoxx Belgique est encore très ancré sur Java. Ce n'est que dans des cas relativement exceptionnels que les grandes conférences acceptent un sujet sur le dernier framework sorti trois mois auparavant.

Qu'est-ce qui fait un bon abstract ?
Cela peut paraître simple, mais ce n'en est pas moins important : il doit être écrit correctement, avec le moins de fautes possible et dans un style agréable à lire. Si c'est pour débutant, il faut expliquer les acronymes et éviter de laisser de trop grandes zones d'ombre.

J'aime bien lorsque, directement dans la description, j'ai un aperçu d'une stack ou un autre élément concret qui me donne une idée de ce dans quoi je vais plonger. Il faut également être prudent avec l'utilisation de références, qui pourraient faire perdre une partie de l'auditoire en s'enfonçant dans une niche culturelle.

Expliciter le format de présentation peut aussi être utile, tant pour les visiteurs que pour les comités de sélection. Est-ce un REX ? Une démo ? Qu'est-ce qui a motivé le talk ? Il faut essayer de répondre, le plus clairement possible, à la question : "Que vais-je retirer de cette conférence ?".

Quel type de références conseilles-tu, tout particulièrement quand on a peu ou pas de talks à son actif ?
Tout dépend du format du talk. Par exemple, à midi, on peut plus facilement prendre des speakers inexpérimentés, car le format est de 15 minutes. Plus le format est long et/ou demandé, plus la compétition sera rude et les critères élevés.

Si la personne a déjà donné la présentation en interne, cela aide a minima. Si aucune captation n’a été faite, présentez vos slides, même si elles sont encore à l'état de brouillon. Si vraiment il n'y a rien du tout à présenter, cela devient quasi éliminatoire. Ne sous-estimez pas votre réseau : parfois, si l'on connaît des collègues du speaker, on peut chercher un avis de ce côté-là.

Comment rendre attrayant son profil utilisateur ?
Pour moi, la bio est surtout là pour établir, si possible, le lien avec votre sujet et pour expliquer comment vous en êtes arrivé à présenter ce sujet en conférence. Les technos utilisées correspondent-elles au talk, par exemple ? Cela peut être par l'expérience professionnelle comme par des hobbies.

Les projets personnels à présenter, avec un GitHub ou autre, c'est toujours un plus, surtout quand cela contribue à de l'open source. De même, si vous donnez des formations sur votre sujet, cela me met un peu plus en confiance.

L'employeur peut aussi donner une idée du niveau de la présentation, certains accompagnant plus ou moins les futurs speakers dans leurs démarches et répétitions. N'hésitez pas à parler de ces expériences en tant que speaker également dans cette partie.

Quel profil pourrais te taper dans l'œil ?
Ne commencez pas par le format conférence. Faites des tools-in-action, format de 30 minutes, ou des lunch talks, format de 15 minutes. Il ne faut pas les voir comme des formats moindres : ils ont leurs intérêts et leurs difficultés. Cela reste un bon tremplin, une bonne promo pour construire son CV de speaker.

Misez sur les valeurs sûres tout en montrant ce que vous pouvez apporter de plus au sujet. On prend toujours quelques sujets sur les tests, mais qu'est-ce qui fait que, cette fois-ci, on va avoir quelque chose de nouveau à en tirer ? Le côté nostalgique fonctionne plutôt bien aussi, mais ici encore, il faut démontrer une plus-value.

On peut jouer l'originalité, mais avec précaution. Un talk trop fantaisiste pourrait être rédhibitoire. De la même manière, méfiez-vous des sujets innovants et tendances, qui attirent souvent une forte concurrence. Par exemple, ces derniers temps, avec les talks sur la GenAI, qui représentent un bon morceau des propositions, si le sujet n'amène pas ce "petit truc en plus", cela va être compliqué.

Ah, et surtout : soumettre dès le début est beaucoup mieux. Les examinateurs passeront plus de temps sur votre proposition.

II. Jean-François Garreau : organisateur au DevFest Nantes

Organisateur du DevFest Nantes et speaker aguerri, Jean-François Garreau donne également des formations sur comment devenir un bon speaker.

Qu'est-ce qui fait pour toi un bon CFP ?
Il me faut un titre accrocheur, et surtout éviter les titres trop marketing. Si on sent le baratin, c'est non. Une description suffisamment explicite, sans être un pavé, est importante. À l'inverse, une seule ligne rebute énormément. Il faut que votre CFP ait compris la ligne éditoriale de l'événement et que vous réussissiez à transmettre ce que votre talk peut apporter.

Ne faites pas un talk pour vendre une solution : cela se voit. Le sujet doit traiter d'un problème auquel une solution technologique vient répondre. Et plus globalement, le talk doit résoudre le problème posé dans votre énoncé.

Qu'est-ce qui fait un bon abstract ?
Dire le but de votre talk, son sujet et le niveau attendu, c'est le minimum que j'attends. Il faut veiller à ne pas mélanger ces informations tout au long de l'abstract et exprimer ses idées de manière claire et structurée.

Certaines personnes se perdent dans des figures de style et/ou des traits d'originalité. Soyons honnêtes : seules les "rockstar speakers" peuvent réellement se le permettre.

Quel type de références conseilles-tu, tout particulièrement quand on a peu ou pas de talks à son actif ?
Toutes slides produites, même en interne, peuvent convenir, même si elles n'ont pas forcément de lien avec le thème. Des articles écrits sur le sujet sont également bienvenus.

L'argument : "j'ai déjà donné ce talk en interne", m'est plutôt indifférent. En revanche, un feedback positif ouvert peut faire la différence. J'ai vu trop de talks ratés en interne pour considérer cela comme un gage de qualité.

Toutes autres sources comme les réseaux, GitHub, etc., sont bonnes à prendre.

Comment rendre attrayant son profil speaker ?
UNE PHOTO. C'est une telle galère pour les organisateurs d'obtenir les photos que l'on est toujours rassuré d'en voir une dans le profil.

Donner le sentiment que vous avez travaillé votre CFP jouera en votre faveur. Un profil travaillé et réfléchi aura le même effet. Ne pas oublier que ce n'est pas un CV : évitez une liste exhaustive de compétences.

Pour le style, il y a plusieurs écoles : première ou troisième personne ? Cela reste un détail qui relève de l'appréciation de chacun.

Quel profil pourrais te taper dans l'œil ?
Je me concentre beaucoup sur les notes pour les examinateurs dans le choix final. Plus elles sont fournies, moins les examinateurs auront de questions à se poser. Il ne faut pas avoir peur de spoiler : bien au contraire. Si possible, ajoutez un plan avec un timing indicatif. C'est un des éléments les plus précieux de votre CFP.

Mentionnez les éventuelles contraintes techniques : allez-vous jouer du son à un moment de la présentation, par exemple ? Nous traitons des centaines de sujets à chaque CFP, et tout ce qui nous facilite la vie est apprécié. Essayez également d'éviter de soumettre dans le rush final, où tout le monde envoie son CFP une semaine avant la clôture : nous aurons naturellement moins de temps pour être convaincus par votre profil.

Enfin, il y a une part subjective : chaque examinateur a ses sujets de cœur vers lesquels il est plus attiré. Si vous proposez un jour un talk qui mixe avec une de mes passions, comme le jonglage, je signe directement !

III. Fanny Klauk: bénévole à Touraine Tech

Fanny est une habituée des comités de sélection. Mais elle ne s'arrête pas là : elle est également mentor et dispense ses conseils aux primo-speakers ayant demandé un accompagnement pour Touraine Tech. Un accompagnement dont l'auteur de ces lignes a pu bénéficier, et qu'il vous recommande chaudement.

Qu'est-ce qui fait pour toi un bon CFP ?
Tout d'abord, un titre qui éveille la curiosité et un contenu qui rassure : on doit savoir avec quoi on va repartir et être persuadé que cela va apporter quelque chose. En tant que spectatrice, si je me pose trop de questions, je ne rentre pas dans la salle.

Idéalement, une petite note gentille aux examinateurs fait toujours plaisir. Plus il y a de détails dans le CFP, plus cela pré-mâche le travail pour nous, et nous apprécions beaucoup cela.

Qu'est-ce qui fait un bon abstract ?
Encore une fois, il doit être rassurant : poser le cadre, montrer que vous savez où vous allez et ce que vous apporterez au public.

L'abstract doit aussi être clair visuellement. L'aérer avec des paragraphes distincts aide beaucoup, surtout lorsque c'est le cinquantième CFP que l'on lit dans la journée.

Quel type de références conseilles-tu (tout particulièrement quand on a peu ou pas de talks à son actif) ?
Il ne faut pas hésiter à être créatif. Une répétition solo enregistrée sur Teams peut tout à fait convenir.

Même s'il faut préciser que les références sont internes à votre entreprise, les meetups sont très valorisés et précieux pour votre profil. Pour les conférences techniques, un répertoire Git ou un projet open source viendront valider vos compétences.

Dire que ce sera votre première prise de parole en public mais que cela ne vous fait pas peur est préférable à ne rien mentionner du tout sur ce sujet.

Comment rendre attrayant son profil speaker ?
Malheureusement, Conférence Hall et la plupart des outils de CFP ne permettent qu'un seul profil, alors que la logique voudrait que l'on puisse l'adapter selon les soumissions. Il faut donc réussir à faire un profil transverse qui touche aux différents sujets que vous pourriez proposer.

Sinon, un profil qui plaît est un profil simple qui invite à l'échange : un parcours global en tête, une petite note d'humour et éventuellement des anecdotes hors IT, comme vos hobbies ou vos goûts pour un manga. Cela humanise le candidat.

Un profil vide fait perdre confiance, et un profil trop pompeux ou chargé peut rebuter.

Quel profil pourrais te taper dans l'œil ?
D'abord, évitez à tout prix les abstracts rédigés par une IA : cela se détecte naturellement très vite, et nous avons aussi des outils pour cela.

Ce n'est pas forcément dans l'abstract que tout se joue, mais davantage dans les notes aux examinateurs et l'effort que vous mettez pour répondre à deux questions: Pourquoi proposez-vous ce talk ? Pourquoi devrions-nous le sélectionner ?

On tombe parfois sur des sujets qui nous font un effet "waouh", mais c'est surtout dans l'angle choisi que la différence se fait. À l'inverse, attention aux abstracts trop décalés.

Conclusion

Un grand merci à Siegfried, Jean-François et Fanny pour avoir pris le temps de répondre à mes questions. Si certains points reviennent fréquemment, c'est probablement parce qu'ils représentent des critères essentiels.

Le Devoxx France à également publié une liste de conseils que je vous invite à lire et suivre. Cela augmentera drastiquement vos chances.

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