Lors du Tech.Rocks Summit 2024, rendez-vous incontournable des leaders technologiques, j’ai eu l’opportunité d'interviewer Olivier Hamant, chercheur renommé et auteur prolifique. Un moment suspendu dans de profondes réflexions sur la résilience, la robustesse et les défis d’un monde en perpétuelle mutation. De l’intelligence humaine à la Gen Z en passant par les smart cities, Olivier Hamant me livre une perspective précieuse pour repenser nos priorités face aux bouleversements à venir.
L’intelligence comme capacité à s’adapter
Inspirée de la biologie, sa vision oppose l’adaptabilité à l’addiction.
« Être dans l’addiction, c’est suivre une voie unique et limitée, alors que l’adaptabilité, comme en agroécologie, embrasse la pluralité du monde. »
Pour lui, les crises actuelles, comme la pandémie de Covid-19, sont des bandes-annonces du futur. Il prévient :
D’autres crises surviendront, et elles seront de plus en plus nombreuses.
Sa solution ? Réenchanter le risque. Plutôt que de l’éviter, il propose de construire des modèles qui accueillent et amplifient les fluctuations à venir.
« Une entreprise sans robustesse dans un monde fluctuant est vouée à disparaître. C’est maintenant qu’il faut agir ! Réparer son toit tant qu'il fait beau, entre deux tempêtes », prévient-il.
Une critique de la performance
Pour Olivier Hamant, le modèle actuel basé sur la performance est une impasse.
« Les ultra-performants d’aujourd’hui, comme Elon Musk, nous vendent un monde délirant. Aller sur Mars, une planète morte, c’est un projet de mort. »
Il prédit que, dans cinq ans, la société aura pris conscience des limites de ce modèle et s’orientera vers un monde plus joyeux et riche en interactions.
« Dans un monde fluctuant, ce qu’il faut soigner, ce n’est pas l’abondance matérielle, mais l’abondance des interactions. Nous allons quitter le monde de l’autoroute, pauvre en interactions, pour un monde beaucoup plus hétérogène et riche, et il faut s'en réjouir»
La Génération Z : une source d’inspiration
Olivier Hamant voit dans Génération Z un modèle de résilience.
« Cette génération a une forte distance à la propriété et favorise l’économie de l’usage, du partage et de la fonctionnalité. »
Cependant, il met en garde contre une dépendance excessive au numérique.
« Le numérique, c’est de l’hyper-canalisation, pas de l’hyperconnexion. On est très connectés, mais via un seul outil, donc c’est extrêmement fragile. »
Plutôt que de dépendre des « smart cities », il prône le développement des « smart citizens », des citoyens capables de réparer leurs objets et d’innover face aux fluctuations du monde.
« Les smart cities sont enfermées dans une idéologie d’abondance et de dépendance aux pays asiatiques notamment et ce modèle n’est plus pertinente face aux crises actuelles. »
Agroécologie et innovation par les fluctuations
Il évoque l’agroécologie comme un exemple de modèle résilient.
« Au lieu d’éviter l’hétérogénéité des parcelles, on l’alimente et on la multiplie. Cela permet de maintenir l’hygrométrie des sols, les insectes auxiliaires, tout en renforçant les liens sociaux et l’autonomie des collectifs. »
Il s’enthousiasme pour les initiatives collectives qui transforment les crises en opportunités. Citant Verviers, en Belgique, dévastée par une inondation en 2021, il observe que les habitants reconstruisent un modèle plus robuste et plus adapté.
« Ces marges innovantes contaminent le cœur des systèmes. »
Vers un monde résilient
Pour conclure, Olivier Hamant affirme que « l’innovation ne sera pas nourrie par des incréments de performance, mais par des incréments de robustesse prenant appui sur les fluctuations du monde. » Ce tournant vers des solutions résilientes ne repose pas seulement sur des modèles innovants, mais sur notre capacité collective à repenser nos priorités. Le futur, selon Olivier Hamant, doit se construire dans la coopération et l’adaptabilité, des valeurs que chaque citoyen et organisation peut commencer à incarner dès aujourd’hui.
Merci Olivier pour cet entretien des plus inspirants !