Certification Remote Foundation, par GitLab
GitLab est une des grandes entreprises dans le monde de l'IT qui a adopté un mode de travail à distance généralisé. Ce mode de travail apporte son lot de défis auxquels tout le monde a pu être confronté pendant les différents confinements en 2020 et 2021. GitLab a su formaliser son mode de fonctionnement, et les difficultés à le mettre en place, dans un document public : le handbook.
Afin de promouvoir le travail à distance, GitLab propose une formation en ligne certifiante et gratuite reposant sur la section “all-remote” de son handbook. Cette formation consiste en la lecture de pages clés du handbook suivi de questionnaires à choix multiples (QCMs) sur le thème du travail à distance tel qu’appliqué chez GitLab.
J’ai entendu parler de cette certification à la suite d’une présentation de Yannick Muller à propos de la politique autour du télétravail chez GitLab. J'ai trouvé le sujet très intéressant car, comme beaucoup, j'ai vécu le télétravail imposé par le confinement. Ainsi, un questionnement a émergé autour des bonnes pratiques liées au télétravail et de la différence avec le travail en présentiel. La présentation de Yannick a apporté plusieurs éléments de réponse, mais je souhaitais creuser le sujet pour en apprendre plus.
J’ai donc profité d’une période d’accalmie pour m’y plonger. Après tout, la formation est gratuite, à suivre à son rythme et entièrement en ligne. Il faut cependant savoir qu’elle n’est disponible qu’en format texte et en anglais. De plus, la formation traite de sujets peu techniques (communication, organisation d’équipe, …), ce qui risque de rebuter les personnes qui ont un niveau d’anglais leur permettant simplement de parler de technique.
J’ai trouvé cette formation très intéressante car je n’ai pas eu l’impression de traiter du télétravail mais de 3 thèmes connexes qui peuvent aussi s’appliquer à un contexte de travail au bureau. Je donnerai dans cet article quelques axiomes que j’ai pu déduire de cette formation.
Culture du résultat
Le premier thème est la culture du résultat, dans le sens où GitLab n’a que faire du temps passé à travailler, ni des conditions de travail, tant qu’elles sont propices au salarié et lui permettent de faire son travail efficacement. La meilleure illustration serait une question posée à Yannick lors de sa présentation : “Et si quelqu’un arrivait à atteindre ses objectifs en ne travaillant que 20 heures par semaine ?”, à laquelle il a répondu “Bah c’est tant mieux !”
Le résultat est plus important que le temps passé à travailler
Le premier axiome sera donc que le résultat a plus d’importance que le temps passé à la tâche. Cela permet de libérer du temps à l’employé sans impacter la performance de l’entreprise, améliorant le bien-être général.
Le lieu importe peu, tant que tu peux travailler
Le second axiome est que le lieu de travail n’a pas d’importance tant qu’il permet de travailler correctement. Puisse-t-il être une pièce dédiée chez soi, un espace de coworking loué à la journée, une place dans un café ou bien une chambre d’hôtel à l’autre bout du monde. Cela permet aussi de flexibiliser le calendrier personnel des employés. Par exemple, la possibilité de profiter de tarifs plus attractifs pour leurs vacances.
Accepte les interruptions
Le dernier axiome que je voulais vous partager à propos de la culture du résultat est la nécessité d’accepter les interruptions. La littérature scientifique nous indique que le temps de concentration maximal d’un adulte se situe autour de 90 minutes. Faire des pauses régulières est donc essentiel pour rester au meilleur de ses performances. Cependant, cela peut s'avérer compliqué pour certains, et les interruptions extérieures sont un bon moyen de rythmer notre quotidien. Un enfant à aller chercher à l’école ou au centre aéré, un colis à réceptionner, des courses à aller chercher, toutes les occasions sont bonnes pour prendre une pause et revenir à notre tâche avec un esprit reposé.
Culture de la communication (asynchrone)
Ces trois premiers axiomes sont très attractifs, cependant, on peut facilement deviner qu’ils nécessitent un travail d’adaptation pour pouvoir travailler en équipe. Nous allons maintenant aborder le deuxième thème qui permettra de compenser les effets indésirables des axiomes précédents : la culture de la communication asynchrone.
Ton interlocuteur est en train de dormir
L’axiome qui illustre le mieux la communication asynchrone est le suivant : partir du principe que son interlocuteur est en train de dormir. On l’intègre bien dans le cadre d’une astreinte de nuit, mais GitLab l’a poussé au point où la masse salariale est répartie sur tous les fuseaux horaires et où chacun peut être amené à collaborer avec quelqu’un à l’autre bout du globe. La communication synchrone est donc vouée à l’échec dans ce contexte.
Notre temps est précieux, celui d’autrui l’est tout autant
Il y a cependant des situations où la communication asynchrone n’est pas suffisamment efficace. Par exemple, s’il y a déjà eu 3 échanges sur un sujet, ou bien qu’il y a un incident de production. Dans ces cas-là, nous pouvons passer dans un mode de communication synchrone en gardant en tête l’axiome suivant : notre temps est précieux, celui d’autrui l’est tout autant. Un exemple d’application de cet axiome est, pour une réunion impliquant divers partis, de commencer par créer un document partagé, y inscrire l’ordre du jour et fournir ce document avec l’invitation à la réunion. Les personnes invitées rédigent dans le document les informations, interrogations, remarques, qu’elles ont à propos de l’ordre du jour. La réunion a pour but de résoudre les derniers points de contention et non de rédiger le document. De cette manière, chacun sera libre de contribuer au sujet de discussion en gérant son temps comme il l’entend.
Dans le doute, agis
Un dernier axiome concernant la communication asynchrone est le “default to act”. Dans ce mode de fonctionnement, la demande de permission est, par nature, une forme de communication synchrone, et bloque le travail de chacun. Gitlab préfère inciter chacun à agir, quitte à rectifier les actions a posteriori. Un axiome associé est de partager son travail avant qu’il soit terminé, ce qui permettra de raccourcir la boucle de feedback et d’être plus efficace dans son travail.
Culture de la documentation
Le dernier thème que j’aborderai dans cet article est la culture de la documentation. Dans un monde où tout interlocuteur est potentiellement en train de dormir et où le temps d’autrui est précieux, il est important d’avoir l’information à disposition de tous. GitLab s’appuie sur son handbook pour partager toute information sur l’entreprise. Cela permet d’avoir une source unique de vérité et permet à chacun de s’y référer quand bon lui semble.
Toute réponse est agrémenté d’un lien vers le handbook
Le premier axiome qui permet de s’assurer que le handbook remplit son rôle est de répondre à toutes questions avec un lien pointant vers le handbook (et de créer une entrée dans le handbook si la réponse n’y figure pas déjà).
Chacun doit pouvoir proposer une modification du handbook
Le second axiome qui en découle est de permettre à chacun de proposer une modification du handbook. Cela peut être de la part d’un chef d’équipe qui a rencontré une problématique qui n’est pas encore traitée. Cela peut être aussi de la part d’un nouvel arrivant qui a trouvé une information qui n’y figure pas encore.
Toute communication doit pouvoir être publique
Le dernier axiome lié à ce thème, et que je partagerai dans cet article, est de s’assurer que toute communication professionnelle puisse être rendue publique. Cela permet de s’y référer si jamais l’information portée n’est pas dans le handbook, en plus d’éliminer les informations officieuses.
Et maintenant ?
Je vous ai partagé quelques axiomes que j’ai pu apprendre dans cette formation, mais ce n’est qu’un aperçu de son contenu. Il s’agit là aussi d’axiomes que j’en ai déduits, et non d’ordres repris directement. De plus, cette formation traite de la manière dont GitLab organise son travail à distance. Cela signifie que certains aspects sont spécifiquement liés aux valeurs de GitLab et qu’il y a des sujets que je n’ai pas abordés dans cet article : comment gérer ses équipes à distance ou comment répondre aux problèmes d’intégration des nouvelles recrues par exemple.
D’un point de vue logistique, la certification se passe uniquement en ligne et n’est disponible qu’en anglais (et il vaut mieux avoir un bon niveau en anglais car le contenu emploie peu de termes techniques). Pour la passer, le candidat doit suivre une formation en ligne composée de 6 modules. Chaque module est composé d’une sélection de pages issues du handbook de GitLab à lire à son rythme et d’un QCM de conclusion. Il n’y a pas de limite de temps pour suivre la formation et répondre aux questionnaires, mais j’ai remarqué que les QCMs validés le restent moins de 2 semaines. Vous devrez donc vous assurer d’avoir bon à tous les QCMs dans ce temps là, sachant que Gitlab estime que 2 heures suffisent.
J’invite tout le monde à suivre cette formation. Non seulement elle est gratuite et disponible en ligne, mais elle remet en question beaucoup d’aspects de notre vie professionnelle à la française. Présentéïsme, communication orale et culture du contexte sont des exemples de pratiques habituelles qui sont mises à mal par la mise en place du télétravail. Avoir connaissance du retour d’expérience de GitLab par le biais de cette certification est, à mon avis, un bon moyen d’arrêter de subir le télétravail et de mieux vivre ce mode de fonctionnement. De plus, je suis convaincu que certains de ces axiomes peuvent très bien s’appliquer à un contexte de travail au bureau.